La théiculture rwandaise en trois points-clés
Publiés au début de ce mois, les derniers chiffres des exportations rwandaises de thé confirment la bonne santé de cette filière, aujourd’hui premier poste d’exportation agricole du pays des Mille Collines. Ressources vous propose un aperçu du secteur en trois points-clés.
Un thé de qualité
Établie depuis les années 1950, la théiculture rwandaise est mondialement réputée pour la qualité de sa production, les thés du pays des Mille Collines remportant régulièrement des récompenses internationales. La quatrième convention et exposition sur le thé d’Afrique (African Tea Convention and Exhibition), qui s’est tenue à Kampala, en Ouganda, fin juin 2019, a confirmé cette supériorité : malgré une concurrence venue de tout le continent (Ouganda, Kenya, Burundi, Madagascar…) la totalité des cinq prix attribués par le jury a été raflée par des produits rwandais. Une excellence qui doit beaucoup aux conditions pédoclimatiques locales, « idéales à bien des égards pour la production théicole », explique Emmanuel Hafashimana, spécialiste de la filière et auteur d’une étude sur le sujet pour le compte de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO). Climat moite, ensoleillement suffisant, humidité de l’air comprise entre 70 et 90 %, pluies abondantes et régulières toute l’année (jusqu’à 3000 mm/an)… Autant de facteurs favorables qui justifient la surprime accordée aux thés rwandais sur les marchés internationaux. À Mombasa, centre névralgique du secteur pour toute l’Afrique de l’Est (1,5 milliard de dollars de transactions/an), les prix des meilleurs produits théicoles du pays des Mille collines atteignent ainsi périodiquement des sommets aux enchères : « jusqu’à 7,22 dollars – un record – le kilo pour un thé des plantations rwandaises de Nyabihu [nord-ouest du pays, NDLR] », relève Shyaka Helmenegilde, le coordinateur national de la FERWACOTHE, la Fédération des coopératives de producteurs de thé du Rwanda. Un niveau sans commune mesure avec le reste du marché. Comme le révèlent les données publiées par l’East African Tea Trade Association (EATTA), en 2019, les prix de vente moyens observés à Mombasa ont évolué entre 2 et 3 dollars le kilo.
Une demande en forte croissance…
Mieux : au-delà de la réputation flatteuse accordée au thé rwandais – exporté à plus de 95 % –, la demande pour celui-ci ne cesse de progresser. Rendus publics début janvier par le National Agricultural Export Development Board (NAEB), l’agence étatique rwandaise en charge du développement des exportations agricoles, les derniers chiffres relatifs aux exportations rwandaises de thé confirment de fait la bonne santé de la filière. Entre juillet et novembre 2019, la valeur des ventes d’or vert à l’étranger a ainsi augmenté de 8 % pour atteindre plus de 33,2 milliards de francs rwandais (36 millions de dollars), contre 30,8 milliards de francs rwandais (plus de 33,5 millions de dollars) sur la même période l’année précédente, précise la structure rwandaise, qui estime à 83 millions de dollars les recettes totales d’exportation de thé sur la campagne 2018/2019. Quant aux volumes exportés, ils ont progressé de 10 %, passant de 27 000 à 30 000 tonnes. Un doublement depuis 2000, où le tonnage exporté se chiffrait alors à 14 500 tonnes (et les recettes d’exportations à 2,6 millions de dollars, soit… 32 fois moins qu’aujourd’hui). Et si l’on se fie aux dernières projections de la FAO, qui table sur une croissance continue de la demande mondiale de thé au cours des sept prochaines années (+ 2,2 % par an jusqu’en 2027 pour le thé noir et + 7,5 % pour le thé vert) – notamment en Afrique, grâce à l’amélioration du niveau de vie de certaines catégories de population –, cette tendance haussière lourde ne devrait pas s’arrêter de sitôt.
… mais un potentiel limité de progression
Reste qu’en dépit de la hausse continue des volumes produits depuis la fin des années 1990, permise entre autres grâce à la modernisation des installations, le remembrement des terres et le regroupement des paysans en coopératives (qui permet notamment de bénéficier d’économies d’échelle), « le poids de la filière thé rwandaise demeure minime en comparaison de ses voisins ougandais et surtout kényan », reconnaît Shyaka Helmenegilde. Troisième producteur – derrière la Chine et l’Inde – et premier exportateur mondial, le Kenya produit ainsi 15 fois plus de thé que le Rwanda (475 000 tonnes contre 30 000) ! De fait, l’exigüité et l’extrême densité de population du pays des Mille Collines (26 338 km2 et 460 habitants/km2) limitent la surface agricole exploitable (seulement 27 100 hectares de culture de thé en 2018), le bassin potentiel d’emplois (42 000 théiculteurs recensés en 2018, soit à peine 1 % de la population active agricole totale du pays) et, in fine, la marge de progression possible.
Une situation de « Petit Poucet » qu’ont parfaitement intégrée les autorités rwandaises. Afin de tirer au mieux parti de la configuration particulière du pays, pouvoirs publics et opérateurs privés font donc le pari de jouer la montée en gamme. Une démarche qui, selon Emmanuel Hafashimana, devrait « amener le thé rwandais à se constituer une niche de production au niveau du marché mondial, à travers la spécification de son offre, qui passera notamment par un processus de labellisation associée au terroir ». Un défi d’envergure, « mais réalisable » veut pour sa part croire Shyaka Helmenegilde, qui rappelle que le pays des Mille Collines ambitionne de devenir « un leader africain dans tous les services à haute valeur ajoutée » (finance, TIC, loisirs, tourisme…). La réussite de la filière thé ne serait alors que le pendant agricole de la success-story économique plus globale du Rwanda.